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Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/136

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qui devait lui susciter tant d’envieux. Il y a même une bizarrerie curieuse entre la partie consacrée aux affaires publiques et aux événements ; et celle qui était spécialement consacrée aux théories philosophiqueset littéraires. Partout où il s’agissait du mouvement des faits, le journal de M. Bertin suivait ; mais il conduisait quand il s’agissait du mouvement des idées. Peut-être dut-il à cette prudente combinaison la sécurite avec laquelle il put s’avancer dans les voies d’une restauration morale appelée par tous les intérêts, mais qui rencontrait encore des obstacles dans les passions émues.

D’ailleurs, la politique de ce temps-là ne se discutait point ; il n’y avait qu’un homme à cette époque qui eût le droit d’écrire le premier-Paris, c’était Napoléon. Et pourtant M. Bertin avait bien compris qu’un journal n’était possible qu’à la condition de pouvoir parler librement de quelque chose. Il se mit donc à parler de la seule chose dont on pût parler encore : il parla de la littérature et du théâtre.

Un journal écrit avec mesure, pensé avec esprit, fait pour la bonne compagnie, incisif et aussi hardi qu’il était permis de l’être alors, ne pouvait manquer d’être favorablement accueilli ; aussi la vogue du Journal des Débats fut-elle bientôt établie.

Pour accomplir son œuvre, M. Bertin s’était entouré d’hommes de science, de talent et d’esprit. Avant tous nous devons nommer Geoffroy, l’inventeur, le roi du feuilleton ; c’est à ce critique célèbre que le Journal des Débats fut en grande partie redevable de la haute influence intellectuelle qu’il exerça dès lors ; c’est à son feuilleton qu’il dut les commencements de cette renommée qu’il a su conserver jusqu’à nos jours.