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Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/147

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politique et matérielle tourne sur ce double pivot. Fort de cette position, il a vu sans s’émouvoir la révolution qui s’opérait autour de lui dans la presse. Tandis que les autres journaux réduisaient leur prix de moitié, il resta au taux de 80 fr., et ce ne fut qu’à son corps défendant, et comme à regret, qu’il sacrifia au dieu du jour, en ouvrant quelques instants ses colonnes au feuilleton-roman.

« On a dit du Journal des Débats qu’il est plus indépendant que servile, plus moral qu’immoral, plus religieux qu’impie, mais qu’il n’est rien suffisamment, si ce n’est gouvernemental. Gouvernemental, c’est là sa vertu selon les uns, son vice selon les autres. Quoi qu’il en soit, c’est encore aujourd’hui l’un des journaux les plus importants, et cependant il ne compte pas plus de douze mille abonnés, tandis qu’il est telle feuille inconnue qui a un tirage de vingt mille exemplaires. Ainsi un journal peut donc avoir une grande influence, comme l’ancien Globe de la restauration, avec quinze cents lecteurs et n’être qu’un canard, comme le Pays, avec une vaste clientèle. Si le journal fait d’abord le public, le public fait ensuite le journal. L’abonné de la Patrie diffère essentiellement de l’abonné des Débats.

Si nous voulions caractériser d’un mot le Journal des Débats, nous dirions qu’il est le journal historique. Chez lui, peu d’élans généreux, pas de sensibilité, ni de point de vue enthousiaste, nul goût pour les théories, peu de propension vers ce qu’on appelle aujourd’hui l’idée, beaucoup d’esprit, beaucoup de verve et beaucoup de talent. Il est surtout l’interprète du fait. La longue collection de ce journal pourrait presque se lire sans ennui, parce que l’événement du jour y est clairement indiqué, la question