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Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/168

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dans sa colère, fut congédié par Villèle, le journal, dès le lendemain, répudia fièrement la subvention pour rester libre de servir les ressentiments de son plus éclatant écrivain, et déclara une guerre à mort au ministère. À la chute de Villèle, le roi et Martignac sentirent le besoin de s’attacher un si puissant ami, un si dangereux ennemi. Le roi lui-même vit M. Bertin, et l’engagea à se réconcilier avec son ministère. — « Ce ministère ! répondit M. Bertin avec une audace qui offensa profondément le roi, et comme de puissance à puissance, ce ministère, c’est moi qui l’ai fait : qu’il se conduise convenablement avec moi, sans quoi je pourrai bien le défaire, comme j’ai renversé l’autre. » — La subvention fut rétablie ; mais — on aura peine à le croire — les propriétaires des Débats exigèrent en outre qu’on leur payât ce qu’ils appelaient l’arriéré, c’est-à-dire le montant de la subvention retranchée pendant le temps qu’avait duré le ministère Villèle. « De sorte, ajoutait Charles X, qui racontait lui-même ces détails, qu’il me fallut ainsi payer la solde même de la guerre qu’ils avaient faite sous ce ministère à mon gouvernement ! » Bref, il leur fallut compter 500 000 fr., dont 300 000 pour Bertin le jeune, et 200 000 pour Chateaubriand, et comme il n’y avait pas assez d’argent dans les caisses des ministères, le roi dut parfaire la somme sur sa cassette particulière.

De pareils faits portent avec eux leur enseignement : ils aident singulièrement à comprendre cette lutte incessante entre le pouvoir et la presse, et, dans ce cas particulier, ils expliquent jusqu’à un certain point les ordonnances de 1830, qui, avec la presse, frappaient les institutions dont elle devait être la sauvegarde et qu’elle compromettait par ses violences.