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Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/183

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» La même réforme qui s’est opérée dans la presse périodique littéraire, qui s’opérera prochainement dans la presse quotidienne politique, se prépare également dans le commerce de la librairie. Hâtons-nous de le dire : par le mot de réforme nous n’entendons pas le petit commerce de détail qui se fait en ce moment et qui consiste, par exemple, à vendre l’Histoire de la Révolution française par M. Thiers, et autres ouvrages pareils, plus cher à la feuille qu’ils ne coûteraient au volume.

» Ceci est une spéculation éphémère, sans grandeur, sans portée, sans avenir, bien qu’elle obtienne présentement un très grand succès, puisqu’une édition, dont les volumes se fussent difficilement écoulés à 2 000 exemplaires, s’enlève à plus de 15 000 par livraisons de 25 centimes.

» De cette vogue, qui résulte du fractionnement du prix d’un ouvrage, malgré l’inconvénient qu’offre la conservation de ses feuilles isolées, il faut seulement conclure que le désir de s’instruire devient chaque jour plus général, mais que l’aisance des classes laborieuses n’est pas dans la même voie de progrès.

» La véritable réforme de la librairie, ainsi que nous la comprenons, n’aura lieu que le jour où un ouvrage de M. Victor Hugo, par exemple tel que Notre-Dame de Paris, ne se vendra plus, au lieu de 15 fr., que 3 fr. les deux volumes.

» Cela est possible, cela est prochain.

» Alors les contrefaçons belges ne seront plus redoutables, alors nos meilleurs écrivains n’écriront plus pour un petit nombre seulement ; leur esprit acquerra plus d’étendue, plus de portée plus de solidité selon que s’élargira davantage le cercle de leurs lecteurs. Les ridicules jargons de coteries à la mode à Paris disparaîtront avec les patois barbares en usage dans les départements ; tout ce qui ne sera pas vrai et précis dans le langage et le style paraîtra prétentieux et exagéré. À cela la langue française gagnera en force et en noblesse, et la littérature en morale et en dignité. Il n’y a qu’une sorte d’ouvrage, que nous sachions, à laquelle