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Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/182

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et défendre non point l’opinion intéressée d’un parti exclusif, la cause dynastique d’une famille, les théories inapplicables d’une école, mais les véritables intérêts nationaux.

» Voilà ce que produit d’admirable la presse populaire, la presse à grand nombre et à bon marché ; c’est qu’en même temps qu’elle forme le jugement de lecteurs nouveaux, qu’elle étend le bon sens public, la circulation des idées, elle efface toutes les démarcations étroites de partis, prend à chacun d’eux ce qu’il a de vues utiles et de sentiments nationaux, — ne leur laisse que l’exagération et la mauvaise foi ; car la presse à bon marché ne peut arriver au grand nombre par les sentiers battus, — des souscriptions d’amis, des suffrages de coterie, ne sauraient l’enchaîner, — elle ne peut vivre qu’autant qu’elle est l’organe véridique et impartial de l’opinion du pays !…

» Voilà ce qu’elle a d’admirable, c’est qu’elle ne saurait sans se suicider trahir ouvertement la vérité ou aliéner dans l’ombre son indépendance, être servile ou injurieuse, en un mot personnelle, tandis que la littérature parisienne, que quelques centaines d’abonnements suffisent pour faire vivre, peut impunément trafiquer du mensonge, se prostituer aux fonds secrets, vivre de l’insulte et de la honte… Les attaques ou les adulations personnelles qui sont la grande affaire des coteries ne rencontrent jamais de la part du grand nombre qu’indifférence et dédain…

» La presse populaire, on peut le dire, a déjà pris rang d’industrie ; elle tend à devenir une branche importante de revenu public ; — elle est un incontestable et incalculable progrès : car, en même temps qu’elle est un puissant moyen de diffusion des connaissances utiles et des notions variées, un actif stimulant de l’intelligence et de la mémoire, le principe de son existence — le bon marché par le grand nombre, — agit sur tous les esprits et tend à s’introduire dans toutes les industries, dans la forme gouvernementale et l’administration publique.