Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 1.djvu/74

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pouvaient venir de l’armée que longtemps après, parce que les courriers n’étaient pas obligés de se détourner, comme ceux qui venaient des armées du roi, et les nouvellistes ont su par ces lettres le passage de Tolüys trois jours avant qu’il y eût à Paris aucune lettre de la cour qui parlât de cette belle action, qui en contient tant d’autres mémorables…

» Il y a quantité de gens qui condamnent les nouvellistes sans les connaître ; mais s’ils doivent être blâmés de quelque chose, c’est plutôt à leur manière de débiter les nouvelles, et à leurs empressements pour en apprendre, qu’à leur esprit, qu’on doit trouver à redire ; quand on les examinera bien, l’on connaîtra que leur procédé ne fait rien voir d’extraordinaire que l’on ne fasse partout où les assemblées sont grandes… Ce n’est pas que je veuille justifier tous les nouvellistes, quoiqu’ils ne fassent que ce que font tous les hommes… Il y a de faux nouvellistes qui se mêlent parmi les véritables et dont on ne peut se défaire… Ce que j’ai trouvé de plus remarquable parmi ces messieurs c’est que les plus fous croient être les plus sages, et que les plus grands nouvellistes se défendent de l’être ; de manière qu’il n’y a presque pas un de ceux qui composent ces assemblées qui ne croie l’être moins que son compagnon, et qui ne le raille d’être nouvelliste. L’un dit qu’il n’y vient si assidument que pour savoir ce que l’on dit, parce qu’il s’est engagé d’écrire des nouvelles en province ; un autre jure qu’il ne s’y rend tous les jours que pour rire de ce qui s’y passe ; et il s’en trouve qui assurent qu’ils n’y viennent que pour se promener, quoiqu’ils y soient si assidus qu’ils consomment souvent les heures du repas plutôt que de ne pas entendre la fin d’une nouvelle commencée. C’est ainsi que chacun couvre de quelque prétexte l’avide curiosité si ordinaire à tant de gens.

» … Et je prétends encore plus vous divertir par les manières dont les choses se sont débitées que par les nouvelles mêmes : car enfin il n’y a rien de plus plaisant que les disputes qui se font quelquefois entre deux obstinés ; rien n’est plus divertissant que d’entendre souvent parler de politique un homme qui n’a jamais su ce que c’est, que de voir débiter plusieurs nouvelles à