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Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/128

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avant sa mort ; mais nous lui avons vu trop de bon sens pour croire cette absurde anecdote qu’un assez mince rapsodiste a répétée d’après les libelles. La comparaison, d’ailleurs, est très-fausse : car quels biens détruisent les critiques ? Quel est l’ouvrage exempt de défauts qu’ils aient attaqué pour le seul plaisir de le décréditer dans le public ? On serait fort embarrassé d’en citer un seul. Or, s’ils ne détruisent que le mal, c’est un bien pour la société. Ils vivent encore moins de rapt, puisque c’est uniquement le métier des compilateurs, des lexicographes, des compositeurs d’Esprits, d’Anas, de Porte-feuilles, d’Anecdotes, etc., qui tous sont de vrais Algériens.

Les critiques, gens isolés, et dès là, si ce n’est par caractère, au moins fort éloignés par état de toutes factions littéraires, sont encore accusés de cabale, et par qui ? Par les novateurs, par tous les chercheurs d’esprit, par ceux même qui, pour changer toute la face de la littérature, veulent nous donner pour des chefs-d’œuvre les écrits de quelques modernes, encore loin de la perfection des bons ouvrages du dernier siècle ; par les admirateurs des Perrault et les vrais Zoïles de l’auteur du Lutrin, de l’Art poétique ; enfin par une cabale réelle d’écrivains tous calqués les uns sur les autres, dont presque aucun n’a de caractère à soi, et parmi lesquels il en est qui, convaincus d’avoir semé des satires et des petits vers clandestins (même avant d’avoir su faire des vers), croient avoir fait tout oublier par l’excès de leurs flatteries.

Les critiques, si vilipendés dans leurs écrits récriminatoires, ne sont donc point, à beaucoup près, tels que ces messieurs les représentent. Ce sont, au contraire, de bons citoyens qui font, dans la république des lettres, une fonction utile à la société, puisqu’on peut les regarder comme les essayeurs de monnaies courantes : car, pour empêcher qu’il ne se glisse dans le commerce de méchant billon, des pièces fourrées, de faux or ou de l’argent à bas titre, ils font l’essai des espèces littéraires et les mettent au creuset du goût, des règles de la nature et de l’art. Est-ce leur faute si toutes ces espèces ne tiennent pas la coupelle ? Ces impitoyables critiques dont on réfute peu les cen-