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Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/282

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tituent un bon journal, et la grande difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité qu’un seul auteur travaille avec succès à un ouvrage dont la bonté dépend de bien des qualités différentes, et souvent opposées ; puis ils annoncent leur plan. Nous les laisserons parler eux-mêmes, et nous recommandons cette page à certains critiques d’aujourd’hui :


Voici, disent-ils après avoir montré l’utilité des journaux, un autre sentiment, à l’égard de ces sortes d’ouvrages, qui pourrait bien ne pas être reçu si généralement : c’est que plus les journaux se multiplient et plus les gens de lettres y peuvent trouver d’utilité. On sait qu’il y a du moins autant de différents tours d’esprit qu’il y a d’airs différents répandus sur le visage des hommes : chacun, selon le caractère de son génie, regarde un livre sous une autre face, et, dans un ouvrage où tout le monde trouvera du mérite, chacun en particulier en sera d’ordinaire frappé d’une façon particulière…

Au reste, un journal demande, dans ceux qui l’entreprennent, beaucoup d’exactitude et de bonne foi ; un esprit partial n’y travaillera jamais d’une manière utile. Rien n’est plus facile que de faire trouver le meilleur livre extravagant par une analyse maligne ; rien de si aisé que de répandre un air de beauté sur un ouvrage pitoyable qu’on a résolu de faire paraître excellent.

Ce n’est pas tout : avec l’exactitude et la bonne foi, il faut, pour réussir, qu’un journaliste ait encore une certaine habileté. Quiconque fera l’extrait d’un livre dont il n’entendra pas la matière à fond court risque de ne pas pénétrer dans les vues de l’auteur, ou, du moins, de ne rien dire qui ne soit superficiel et peu capable de donner une idée fidèle de l’ouvrage sur lequel il travaille. Il aura beau se prévaloir de la délicatesse de sa plume : les bons esprits ne sont jamais les dupes de l’agrément du style, et rien ne saurait les dédommager de la solidité, qui doit être la base d’un bon journal. Il est vrai que la beauté des expressions et la finesse du tour font une grande partie de l’habileté d’un