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Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/283

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journaliste ; il sera peu lu, à coup sûr, si son style est sec et dénué de tout ornement. Si jamais l’agréable doit être mêlé à l’utile, c’est dans un ouvrage de cette nature, dans lequel il s’agit de répandre de la gaieté sur les matières les plus sèches et les plus abstraites, et d’embellir les sujets qui, de leur nature, sont le moins susceptibles d’embellissement. Mais, encore un coup, ces ornements sans solidité ne sauraient simplement que plaire, et il s’agit ici de plaire dans la vue d’instruire avec plus de facilité.

On aurait beau joindre une profonde connaissance des belles-lettres à la facilité de mettre ses pensées dans un beau jour, on ne saurait réussir à faire un bon journal sans un esprit extrêmement laborieux. Ce n’est pas assez de lire la préface et la table d’un livre. Si l’on n’en veut juger que par là, les journaux sont d’une utilité fort mince, et chacun peut faire un examen de cette sorte dans la boutique des libraires. Un bon journaliste doit s’y prendre tout autrement : il doit lire un ouvrage d’un bout à l’autre ; il ne faut pas simplement qu’il le parcoure, il faut qu’il le lise avec attention, et la plume à la main, pour faire les remarques qu’il jugera propres à entrer dans son journal.

Il suit de tout ce qu’on vient de remarquer qu’il est très-difficile, pour ne pas dire impossible, qu’un seul auteur travaille avec succès à un ouvrage dont la bonté dépend de tant de qualités différentes et souvent opposées…

Les journalistes se font ordinairement un devoir de ne pas décider du mérite d’un livre, et de laisser deviner dans leurs extraits à quel degré de bonté un ouvrage doit être mis. Nous croyons cette prudence excessive et inutile, et nous avons résolu de nous expliquer sans détour sur ce que nous trouverons de bon et de mauvais dans un livre[1]. Cependant, le but de décrier un ouvrage ne sera jamais le nôtre ; nous nous ferons toujours un plaisir de louer, et nous ne critiquerons qu’avec ménagement…

Est-il un ouvrage qui soit entièrement à l’abri de la critique,

  1. Ils exceptent cependant les matières de théologie et les sujets philosophiques qui influent sur la religion : là-dessus ils ne diront jamais leur sentiment ; ils se contenteront de faire des extraits fidèles, et de mettre les différentes opinions dans tout leur jour.