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Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/447

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plaignants et les blessés appelaient cela des satires pleines de fiel, et, si on les lui reprochait, comme l’honnête Dorat le fit un jour, il répondait naïvement : « Je ne puis m’en empêcher, cela est plus fort que moi. »

La Harpe, comme tous les vrais critiques destinés à agir en leur temps, tels que Malherbe, Boileau, Samuel Johnson, a eu le courage de ses jugements ; il en a eu l’intrépidité et jusqu’à la témérité imprudente, en face de la cohue des petits auteurs offensés. On trouve à travers tous ses écarts cette nature essentielle de critique, qui est son titre respectable. Somme toute, c’était, ainsi que l’a défini Châteaubriand, « un esprit droit, éclairé, impartial au milieu de ses passions, capable de sentir le talent, de l’admirer, de pleurer à de beaux vers ou à une belle action. » De telles paroles sont bonnes à opposer à tant de récits moqueurs et dénigrant[1].

Mais une chose étrange, à peine croyable, c’est que La Harpe, qui était si foncièrement journaliste, qui ne pouvait résister à sa passion de critique, se retourna plus tard contre le journal. Nous lisons dans la correspondance de Grimm, à la date de janvier 1784 : « M. de La Harpe, qui depuis quelques années ne fait plus de journaux, sent aujour-

  1. Prenant notre bien partout où nous le trouvons, et heureux quand nous le trouvons en si bon lieu, nous avons emprunté ce portrait de La Harpe, et la plupart des particularités qui précèdent, à M. Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, t. v, p. 81 et suiv.