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de cet écrit périodique est un M. de Lacroix, avocat au parlement. S’il est aussi mince plaideur que mauvais écrivain je plains ses pratiques. Cependant, ce Lacroix ayant envoyé sa rapsodie à M. de Voltaire, celui-ci lui a répondu que ceux qui y travaillaient étaient les héritiers de Steele et d’Addison. Ces compliments sacriléges coûtent moins au patriarche que de lire une page de rapsodiste. Le spectateur Lacroix, après s’être paré, dans une petite annonce, de ce témoignage respectable du Nestor de la littérature, pour engager le public à souscrire, promet solennellement de renoncer à l’héritage d’Addison, que M. de Voltaire lui a si généreusement ouvert.

« On ne le verra point, dit-il, comme le Spectateur anglais, sombre et taciturne ; il ne fumera point, il ne sera pas forcé de boire. Il sera léger, affable ; ses discours seront plus galants que profonds. Son regard doux et tendre lira dans le cœur des femmes ; il profitera de leur émotion pour surprendre leur secret, qui n’en est pas un, et il sera leur protecteur auprès des maris. Du reste, l’abbé léger, l’auguste prélat, l’officier sautillant, le militaire balafré, le jeune conseiller, le grave magistrat, le paisible rentier et le bourgeois plaisant, trouveront également leur compte chez lui. » Voilà un échantillon du plan, du goût et du style de l’héritier de Steele et d’Addison. Ah ! seigneur patriar-