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pas droit de parler sans respect des puissances qu’on doit respecter, et d’approfondir indiscrètement ce qu’elles jugent à propos de ne pas révéler. Voilà les bornes. Or, si l’on veut examiner de bonne foi quels précipices on rencontre en allant plus loin, je suis persuadé que, parmi les nations même qui se glorifient d’une liberté sans bornes, il n’y a point de personne sensée qui ne confesse que la raison, la justice, l’honnêteté des mœurs, la religion et l’intérêt public s’accordent en faveur de la conduite qu’on tient en France. J’aurai dans la suite occasion de développer davantage cette réflexion ; mais ce que j’en puis conclure dès aujourd’hui, c’est que, si les Français sont, en effet, dans quelque contrainte à l’égard des articles que j’ai remarqués, ce n’est point à la rigueur du gouvernement qu’il faut l’attribuer, mais à l’idée juste et délicate qu’on s’est formée en France de la liberté, qui ne consiste pas, comme d’autres nations se l’imaginent, dans le pouvoir de penser ce que l’on veut et de dire ou d’écrire ouvertement ce que l’on pense mais dans celui d’exercer avec discernement et avec modération les talents qu’on a reçus pour le bien de la société dont on est membre.


Et le pacifique abbé ajoute ici en note : « La pensée de Tacite est donc fausse : Rara temporum felicitas ubi licet sentire quœ velis, et dicere quœ sentias ; pour que cette liberté fût un bonheur, il faudrait que tout le monde pensât bien. » Rendant compte ensuite du titre qu’il a choisi :


J’intitule, dit-il, cet ouvrage, le Pour et Contre, c’est-à-dire que, voulant éviter tout ce qui sent la faveur, la haine, le mépris, l’ironie même, en un mot toute ombre de partialité et de passion, voulant observer toutes les bienséances, remplir tous les devoirs et ne sortir jamais des bornes de la liberté française, je me propose de remarquer avec le même soin ce que je croirai apercevoir de bien et de mal dans chaque sujet sur lequel j’en-