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fidèle à son titre, dit M. Sainte-Beuve[1]. Il ressemble pour la forme aux journaux anglais d’Addison, de Steele, de Johnson, avec moins de fini et de soigné, mais bien du sens, de l’instruction solide et de la candeur. On y trouve une foule d’anecdotes du jour, de faits singuliers, véritables ébauches et matériaux de roman. La littérature anglaise y est jugée fort au long, dans la personne des plus célèbres écrivains ; on y lit des notices détaillées sur Roscommon, Rochester, Dennys, Vicherley, Savage, des analyses intelligentes et copieuses de Shakspeare, une traduction du Marc-Antoine de Dryden et d’une comédie de Steele. Prévost avait étudié sur les lieux, et admirait sans réserve l’Angleterre, ses mœurs, sa politique, ses femmes et son théâtre. Les ouvrages, alors récents, de Le Sage, de madame de Tencin, de Crébillon fils, de Marivaux, sont critiqués par leur rival, à mesure qu’ils paraissent, avec une sûreté de goût qui repose toujours sur un fond de bienveillance. On sent quelle préférence secrète il accordait aux anciens, à d’Urfé, même à mademoiselle de Scudéry, et quel regret il nourrissait de ces romans étendus, de ces composés enchanteurs ; mais il n’y a trace nulle part de susceptibilité littéraire, ni de jalousie de métier. Il ne craint pas même, à l’occasion, et par une générosité aussi rare alors qu’aujourd’hui, de citer avanta-

  1. Portraits littéraires, t. i, p. 276.