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Ce sont ces lettres que les consultants mettent sous les yeux des avocats, en leur demandant le parti qu’ils ont à prendre vis-à-vis du journaliste qui ne remplit pas ses engagements. La consultation, souscrite du nom de Falconet, est d’une ironie qui sera peu agréable à ceux qui en sont l’objet. On y prétend que toutes les excuses alléguées par le sieur de Méricourt sont de faux prétextes. D’abord on trace une histoire abrégée de l’établissement des censeurs, et on rappelle le reproche fait à Claude Morel d’avoir dit dans l’approbation d’une traduction de l’Alcoran : Qu’il n’avait rien trouvé dans cet ouvrage de contraire à la foi catholique et aux bonnes mœurs. Peu à peu le nombre des censeurs a été augmenté, et chacun d’eux a été chargé d’examiner les ouvrages analogues à son genre d’étude.

« En ouvrant l’Almanach royal, ajoute-t-on, on trouve au rang des censeurs, à l’article Jurisprudence, maître Coqueley de Chaussepierre : il y a si peu d’analogie entre les jeux de la scène et la gravité du barreau, qu’il y a la plus grande apparence que, dans le fait, maître Coqueley n’a pas censuré le Journal de Théâtre. Cette conjecture se fortifie bien davantage quand on sait que ce jurisconsulte est en même temps le conseil de la Comédie française. Comment, dès lors, soupçonner qu’instruit des maximes consacrées par la jurisprudence de tous les temps et de tous les lieux, un avocat qui sait que le dévouement aux intérêts de ses clients l’identifie à eux, pour ainsi dire, comment, dis-je, soupçonner qu’il puisse se charger d’une fonction qui demande la plus exacte impartialité, et dans l’exercice de laquelle il est éternellement obligé de prononcer entre ses clients et l’écrivain ! »

Voilà pour le censeur. On prouve ensuite que c’est une calomnie atroce de prétendre que le directeur de la librairie ait empêché de jouir de toute l’étendue de son privilége un auteur qui se soumet aux formalités prescrites par le gouvernement pour l’examen de ses ouvrages.

« On sait, en France surtout, qu’un écrivain qui, après avoir passé sa vie à réfléchir, à étudier, s’occupe à faire part au public de ses méditations, souvent vit de sa plume comme le jardinier de son hoyau… S’est-on jamais avisé de défendre à un jardinier de cul-