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L’invasion de la philosophie dans la république des lettres en France est une époque mémorable par la révolution qu’elle a opérée dans les esprits. Tout le monde en connaît aujourd’hui les suites et les effets. L’auteur des Lettres persanes et celui des Lettres philosophiques en avaient jeté le germe ; mais trois sortes d’écrivains ont surtout contribué à le développer. D’abord les Encyclopédistes, en perfectionnant la métaphysique, en y portant la clarté, moyen le plus propre à dissiper les ténèbres dont la théologie l’avait enveloppée, ont détruit le fanatisme et la superstition. À ceux-ci ont succédé les Économistes : s’occupant essentiellement de la morale et de la politique pratique, ils ont cherché à rendre les peuples plus heureux en resserrant les liens de la société par une communication de services et d’échanges mieux entendus, en appliquant l’homme à l’étude de la nature, mère des vraies puissances. Enfin, des temps de troubles et d’oppression ont enfanté les Patriotes, qui, remontant à la source des lois et de la constitution des gouvernements, ont démontré les obligations réciproques des sujets et des souverains, ont approfondi l’histoire et ses monuments, et ont fixé les grands principes de l’administration. Cette foule de philosophes qui se sont placés comme à la tête des diverses parties de la littérature a principalement paru après la destruction des Jésuites : véritable point où la révolution a éclaté.

Il était sans doute bien essentiel d’en marquer les progrès, d’en saisir les circonstances, d’en recueillir les détails les plus particuliers. C’était l’objet de l’observateur dont nous publions le journal. Il accumulait ainsi les matériaux propres à l’histoire complète d’un pareil événement. On sait combien M. de Bachaumont était renommé pour ses connaissances multipliées et pour son goût exquis. Il présidait aux conférences académiques tenues chez une femme d’esprit, et faisait, depuis plus de quarante ans, son unique occupation de tout ce qui se passait dans Paris capable d’exciter l’attention. On y rédigeait un journal, dont il avait extrait les détails convenables à son entreprise. Mais, indépendamment de cette utilité particulière, il faut avouer que rien n’est plus commode ni plus agréable que de retrouver sous un