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larde et un mauvais livre. Eh ! messieurs, gardez vos livres et vos poulardes, et laissez-nous notre liberté[1].


Un autre jour il nous montrera le savoir-faire des auteurs et éditeurs de son temps, qui ne le cédaient pas, sous ce rapport, à ceux d’aujourd’hui :


Le nombre des livres croît tous les jours ; celui des productions nouvelles n’augmente pas de même, et ce ne sont plus guère que les anciennes qu’on nous présente. Avec deux mots on trouve le secret de rajeunir un vieil ouvrage ; on fait plus quelquefois, on ressuscite un livre mort. Nouvelle édition : paroles simples en apparence, mais pleines de force et de vertu ; paroles divines ! elles opèrent seules tous ces prodiges.

Pour entrer dans certains corps, il faut faire certaines preuves : de noblesse à Malte, de piété dans l’ordre ecclésiastique, d’humilité dans les cloîtres, de valeur dans le militaire, de richesses dans la finance, de science dans nos académies, de jurisprudence dans le barreau. Les écrivains, pour être admis au rang des bons auteurs, doivent aussi produire des titres et ces titres, ils croient les trouver infailliblement dans le grand nombre d’éditions qu’ils ont données de leurs ouvrages. Un livre paraît imprimé pour la seconde fois, il acquiert dès lors un degré de mérite qu’il n’avait pas auparavant, il procure à son auteur un nouveau rayon de gloire ; on compte les éditions qu’il a eues, comme on compte les quartiers de noblesse, et, après plusieurs de ces générations littéraires, on le fait passer de l’état de roture dans le corps des nobles, du nombre des écrits médiocres au rang des bons ouvrages. On sent combien cette manière d’en juger est sujette à l’erreur : car, si, pour être reçu dans quelques-unes des sociétés dont je viens de parler, on falsifie quelquefois des titres ; si, dans quelques autres, la naissance tient souvent lieu d’érudition, la faveur de bel esprit, la protection de richesses, l’hypocrisie de piété, la bassesse d’humilité, l’imprudence de bravoure, et l’esprit

  1. Observations, t. iv, p. 3 et suiv.