Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Notre titre annonce notre projet : la Renommée littéraire doit publier les bons et les mauvais ouvrages, et rendre à chacun d’eux la justice qui leur est due. Chacun reconnaîtra au frontispice que nous avons fait graver la Renommée de M. de Voltaire :


La Renommée eut toujours deux trompettes, etc.


On n’en pouvait mieux faire l’application qu’à un livre destiné à parler de tous les écrits.

Cet ouvrage est périodique ; heureux cependant et trop heureux si, après l’avoir lu, le public veut bien dire : Cet ouvrage n’est point périodique ! C’est là la plus belle louange qu’il puisse nous donner et celle que nous serons le plus jaloux de recevoir.

En effet, nous n’aurions jamais entrepris aucun journal si nous avions vu régner partout le même mépris que nous avons nous-mêmes pour ce misérable genre d’écrire. Mais, comme c’est toujours avec leurs propres armes, c’est-à-dire avec des armes de la même forme, quoique d’une trempe différente, que l’on combat les partisans de l’erreur, et qu’il faut, du moins en apparence, s’accommoder aux préjugés de la multitude pour les vaincre avec plus de sûreté, c’est pour cette raison seule que nous avons donné un cours périodique à un ouvrage qui ne serait, sans cela, que des observations sur le goût par rapport aux écrits modernes. Si les Lettres persanes, ce livre si profond, est écrit d’un style si léger, c’était pour attacher à la philosophie des têtes légères qui ne connaissent de liens que la frivolité.

Nous ne manquons point, il est vrai, d’excellents livres, anciens ou modernes, qui donnent des règles du goût ; mais les livres, quand ils ont passé leur nouveauté, ne se lisent plus que par le petit nombre de gens qui ont eux-mêmes le goût formé. Très-peu de personnes, d’ailleurs, pourraient faire l’application de leurs règles aux écrits qui naissent chaque jour ; et c’est ce que pourrait exécuter un journaliste qui aurait du goût. Tandis que, d’un côté, il s’opposerait aux innovations dangereuses, aux prestiges des charlatans accrédités, qu’il saperait le fragile édifice des réputations mal acquises, de l’autre il ferait jour aux bons ouvrages, il favoriserait tous les enfants du goût, et ceux