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Toute la foi du moyen-âge, et, comme on disait alors, les « enfances » d’une poésie naïve et subtile ; gracieux badinages qui sont une vérité de plus dans la peinture de vos pèlerins d’amour. Où l’avez-vous entrevue, votre princesse, belle comme les lys qui fleurissent sous ses pieds, femme par toutes ses faiblesses, par son dévouement, par sa grandeur dans l’expiation et « l’oubli de soi-même » ? Ah ! comme nous les comprenons, ces matelots qui peinent sur les rames, bravent les tempêtes, souffrent faim et soif pour arriver jusqu’à la vision créée par leur rêve ! S’ils périssent en route, Dieu leur fera miséricorde aussi large qu’à des croisés du Saint Tombeau : ils en ont l’assurance du frère Trophine, ce bon capelan de nos vieux fabliaux.

Poème capital dans votre œuvre ; il la contient en germe et la résume d’avance. Joffroy Rudel, Bertrand d’Allamanon, s’appelleront plus tard Cyrano, Séraphin Flambeau ; ils seront toujours le même homme, héroïque, épris d’un idéal surhumain ; ils magnifieront la même idée, conclusion obstinée de toutes vos créations symboliques : la suprême beauté se marie au suprême mérite dans la vertu du sacrifice. Plus tard, la même exaltation chevaleresque se dissimulera sous les grelots du rire ; des auditeurs plus nombreux vous remercieront de les avoir divertis. Mais, lors même que le poète ne nous eût donné ni Cyrano ni Flambeau, les compagnons partis sur la nef de Rudel nous l’auraient fait connaître dans ce qu’il a de meilleur ; et nous eussions dit avec justice, nous aussi :

… n’ayant à souhaiter plus rien,

Merci, Seigneur ! merci, Mélissinde ! — Combien
Moins heureux, épuisés d’une poursuite vaine,
Meurent sans avoir vu leur Princesse lointaine… »

(Réponse au Discours de réception d’Edmond Rostand. — Séance de l’Académie Française, du 4 juin 1903).
De Catulle Mendès (La Samaritaine).

« … N’ai-je aucune querelle à faire au poète qu’aida