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taine, qui écrivait à une époque de littérature impersonnelle, en reprenant le moule de la fable ésopique y a placé

Une ample comédie en cent actes divers
Et dont la scène est l’univers.

Il y a écrit les Mémoires de son temps, non les siens. Ce que M. Rostand a mis dans Chantecler, c’est lui-même, et c’est le meilleur de lui, je veux dire : son émotion devant les spectacles champêtres, son expérience de la vie et sa conception de l’art.

… L’atmosphère de la pièce est une atmosphère de libre fantaisie, de belle humeur et de gaieté. Les grelots de la folie y mettent leur tintement joyeux. Mille et un traits d’ironie, d’espièglerie, de gaminerie raillent au passage les plus modernes de nos travers. En maints endroits, on sent que le poète s’amuse. C’est son droit et mieux que son droit. On aime cette gaieté qui est, chez le poète mûri, restée si jeune. On lui en veut seulement de certains écarts de cette gaieté.

… Il reste que Chantecler, tout poème qu’il soit, a été composé dans la forme d’une pièce de théâtre. Spectateurs, nous sommes bien obligés de nous placer au point de vue du théâtre. Ici, au lieu d’accumuler les objections de principe et les chicanes de détail, disons tout uniment que M. Rostand a demandé cette fois au théâtre autre chose et plus qu’il ne peut donner. Cela ne nous surprend ni ne nous fâche. Pareille aventure est advenue non seulement à des poètes, mais à des dramaturges de carrière. Rappelez-vous la préface de l’Étrangère. Lui aussi, M. Rostand a fait craquer les barrières étroites du théâtre. Lui aussi, il a forcé les ressources de son art. Le poète a fait violence à l’auteur dramatique. L’auteur dramatique n’est pas diminué par l’épreuve ; le poète en sort grandi… »

(Revue des Deux-Mondes, du 15 février 1910).
De M. J. Ernest-Charles.

« … Tant mieux si Rostand n’est pas tout-à-fait, comme on l’aurait pu craindre, un novateur pétulant. Tant mieux s’il ne pousse pas son audace plus loin