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Page:Hauser - Les Balkaniques, 1913.djvu/18

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métier pour se lancer à l’assaut des citadelles de littérature et de gloire.

- « N’en faites rien, lui dis-je. Vous ne savez pas à quelles misères vous vous exposez ! Vous avez un métier ; ne le lâchez pas ! Si vous avez du plaisir à faire des vers, faites des vers, mais sans abandonner vos ciseaux à couper la toile. Et si vous avez du talent qui soit un jour reconnu, alors il sera temps pour vous de monter à Paris comme on dit en Provence. »

Je vis très bien que le jeune homme ne goûtait pas cette sagesse, mais j’avais rempli mon devoir. C’est un principe pour moi qu’on ne doit jamais conseiller, à un rêveur de renommée littéraire, le départ, sans viatique, pour l’aventure des aventures. La redoutable question est souvent posée : « Ai-je assez de talent pour acquérir de la gloire ? Dois-je partir pour Paris ? » - Eh ! qu’en sais-je ? Et qui pourrait le savoir ? Et même si les strophes que vous m’apportez me donnaient à espérer que vous aurez du génie, de quel droit m’en croirais-je certain ? Suis-je un infaillible oracle ? N’ai-je pas le droit de douter de mon goût, de ma clairvoyance de critique ? Non, non, il ne faut pas encourager personne à quitter le rivage solide sur lequel il a jardin et maison, pour se confier aux vents du large et aux vagues toujours mouvantes des océans inconnus.