Page:Hauvette - Littérature italienne.djvu/23

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science et l’esprit de ce peuple, dont la foi, l’enthousiasme et la gaieté railleuse s’expriment en des œuvres vraiment originales.

Rien de semblable ne s’est passé en Italie. Là aucune fusion durable et féconde d’éléments divers n’a fait surgir une nationalité sur les ruines du vieux monde romain. Le mouvement littéraire, qui se dessina tardivement, fut d’abord dépourvu de toute originalité : l’Italie n’eut pas de héros national. Les esprits, toujours fascinés par la grandeur de Rome, dont la gloire, pensait-on, ne pouvait subir qu’une éclipse passagère — car sa destinée est divine et sa puissance éternelle, — ne se plièrent pas sans résistance à la discipline scolastique. La féodalité ne plongea pas de profondes racines dans ce sol purement latin : ce peuple, qui était et se sentait si intimement romain, ne voyait dans sa noblesse féodale qu’une horde de barbares venus pour opprimer et dévaster « le jardin de l’empire » ; aucune communauté d’intérêts ni de sentiments ne pouvait exister entre la grande masse des Italiens et les représentants de la race germanique : c’est en dehors de ces maîtres, c’est contre eux que se fonde la commune, si vite prospère, d’où vont jaillir l’art et la poésie de la nouvelle Italie. Les lettrés ne trouvaient pas de héros à chanter parmi ces ennemis du nom romain ; aussi se réfugiaient-ils dans l’étude de l’antiquité, jaloux d’entretenir le culte des seules traditions nationales qu’ils connussent. La science à laquelle ils se vouaient de préférence n’était pas la théologie, gloire de l’Université de Paris, mais le droit, science romaine par excellence, et que de toutes parts on venait étudier à Bologne. Cette science éminemment positive, et d’un caractère pratique, convenait d’ailleurs mieux au génie italien que les discussions abstraites où triomphaient les