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Page:Havet – Le Voyage, paru dans Les Écrits nouveaux, 1919.djvu/2

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LE VOYAGE



Hier, j’ai rencontré le voyage.

Il m’a dit bonjour. Il m’a dit : viens-tu ?

Son beau train flambant soufflait, sur les rails comme le cheval qui piaffe entre les rênes sûres.

Il m’a dit : regarde, le ciel lavé d’après les grêles d’avril est ouvert à la sortie du hall et voici déjà la campagne offrant les deux paumes de ses plaines, les longues sentes effilées de ses doigts accrochés aux forêts mitoyennes et ses ongles purs où sourit une étoile, qui sont les lacs, les fontaines, les abreuvoirs au seuil des fermes et la source jaillissante qui s’égrène entre la haie de crocus.

Va ! Prends la portière, ne consulte point d’indicateur, Toutes les heures sont belles et toutes les lignes sont bonnes… Si tu es un conquérant, il n’y a que le voyage !

Et je suis restée immobile et timide.

Le beau train dans la gare a sifflé… Son dernier wagon sur la voie qui tourne s’en est allé, tremblant comme un grelot noir.


Au retour, la ville me parut plus meurtrière encore. Je toussais le long de ses quais interminables. Enfant Prodigue qui avait refusé l’espace comme on renvoie un chien errant.