Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/121

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que d’ombre épaisse et noire !… Pauvre malheureux Clifford ! »

En murmurant ces mots sotto voce, comme si elle eût parlé à son cœur plutôt qu’à Phœbé, la vieille demoiselle glissait par la chambre sur la pointe du pied, achevant les apprêts suggérés par ce moment de crise.

Un pas, cependant, se faisait entendre dans le corridor menant à l’escalier du premier étage. Phœbé le reconnut pour celui qu’elle avait ouï, rêvant à moitié, dans le cours de la nuit précédente. Le convive attendu, quel qu’il pût être, sembla s’arrêter dès les premières marches ; il fit encore deux ou trois pauses à mesure qu’il descendait, et une dernière quand il fut au bas des degrés. Ces différentes haltes paraissaient moins l’effet d’un dessein arrêté que d’une distraction, d’un oubli involontaire ; — les pieds suspendaient d’eux-mêmes leur mouvement, faute d’une impulsion suffisante. En fin de compte, ce personnage fit une longue pause au seuil du salon ; il s’était saisi du bouton de la porte, mais son étreinte s’était relâchée avant qu’il ne se fût décidé à le tourner. Hepzibah, les mains convulsivement serrées l’une dans l’autre, demeurait debout, jetant des regards effarés sur cette porte qui ne s’ouvrait pas.

« Voyons, chère cousine, ne prenez point cet air-là ! dit Phœbé toute tremblante (car l’émotion d’Hepzibah, et cette allure mystérieuse de l’invisible arrivant, lui faisaient éprouver la même impression que si quelque fantôme allait apparaître)… En vérité vous me faites peur… Va-t-il donc se passer quelque chose de surnaturel ?

— Taisez-vous, enfant, taisez-vous ! murmurait Hep-