Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/124

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ruines, une substance-néant, un fantôme en chair et en os, dépourvu de toute idée, de toute conscience. Puis, — après un intervalle de cet évanouissement intellectuel, — un rayon précurseur, dont ses prunelles s’animaient, annonçait le retour de sa vie spirituelle et le jour qui recommençait à poindre dans ce cœur envahi par les ténèbres.

Ce fut dans un de ces moments d’imparfaite résurrection, que Phœbé dut admettre définitivement une idée dont l’extravagance l’avait, repoussée au premier abord. Elle constata que l’individu maintenant devant elle était bien l’original de la belle miniature conservée par sa cousine Hepzibah. L’identité du peignoir de soie, autour du modèle et sur le portrait, avait d’abord frappé les yeux de la jeune fille ; elle retrouvait maintenant quelque chose de ce regard, de cette expression raffinée et subtile que le peintre Malbone, d’un heureux coup de pinceau, dans un moment d’inspiration haletante, avait su traduire sur l’ivoire. Ni les ans ni le malheur n’avaient pu détruire entièrement le caractère inné de cette physionomie à part.

Hepzibah venait de remplir une tasse de son excellent café, tasse destinée à son hôte, qu’elle lui présentait gracieusement ; mais au moment où leurs yeux se rencontrèrent, il parut inquiet et mal à son aise.

« C’est donc vous, Hepzibah ? murmura-t-il tristement ; et ensuite plus à part, sans se douter probablement qu’on pouvait l’entendre : — Comme elle est changée !… Comme elle est changée !… Serait-elle fâchée contre moi ?… Pourquoi ce froncement de sourcils ? »

Pauvre Hepzibah ! C’était cette désastreuse grimace que sa tristesse intérieure et sa myopie lui avaient