Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/125

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rendue habituelle, et que la moindre excitation mentale ne manquait jamais d’évoquer. Mais dès qu’elle eut à peu près deviné ce qu’il avait dit, son visage s’attendrit et s’embellit presque d’une affectueuse tristesse.

« Fâchée ! répéta-t-elle, fâchée contre vous, Clifford ? »

Son accent, lorsqu’elle poussa cette plainte, avait une exquise mélodie, dont la douceur tempérait je ne sais quelle âpreté continue. On eût dit un excellent musicien tirant, de quelque instrument fêlé, les accords les plus pénétrants et les plus sympathiques.

« Mais, Clifford, ajouta-t-elle, vous êtes chez vous, entouré d’amour et rien que d’amour ! »

Pour ces accents harmonieux, l’hôte retrouva un sourire, et si faible qu’il fût, si vite qu’il s’effaçât, ce sourire avait l’attrait d’une beauté merveilleuse. Mais un tout autre air de physionomie lui succéda aussitôt. La matière dominait et rabaissait l’esprit. Le visage de Clifford n’exprimait plus qu’un appétit vulgaire. Oubliant Hepzibah, la jeune fille et tout ce qui l’entourait, exclusivement livré aux jouissances sensuelles qu’on lui avait préparées, il mangeait avec une espèce de voracité. Peut-être y avait-il là quelque vestige d’une finesse de goût particulière, développée par une culture aristocratique ; mais l’effet actuel en était pénible et fit baisser les yeux à Phœbé.

Bientôt l’attention du convive fut appelée par l’odeur embaumée du café qu’il n’avait pas goûté encore ; il le but à longs traits, et cette boisson subtile, agissant sur lui comme un philtre magique, donna une sorte de transparence aux parois de la prison de chair où se débattait, à demi étouffée, son intelligente nature.