Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/147

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Elle le repoussait de la main et debout, dans le cadre de la porte, semblait une véritable image de la Prohibition elle-même. Mais au risque de trahir le secret d’Hepzibah, nous dirons que sa timidité native tendait à prendre le dessus, et qu’un tremblement nerveux, dont elle avait conscience, envahissait par degrés toute sa personne. Peut-être le Juge comprit-il à quel point il lui semblait redoutable, et combien peu de vrai courage cachaient ces imposants dehors.

Toujours est-il qu’avec l’aplomb du vrai gentleman, il se remit de suite et s’avança vers sa cousine en lui tendant la main ; mais, en homme d’esprit, il couvrit cette manœuvre hardie par un sourire assez ample, assez ardent pour dorer sur leur treille les raisins qu’on eût exposés à ce rayonnement splendide. Peut-être voulait-il fondre sur place la pauvre Hepzibah, — véritable statue de cire jaune.

« Hepzibah, ma chère cousine, vous ne sauriez croire combien je suis heureux, s’écria le Juge avec un redoublement d’emphase… Votre existence, désormais, aura un but déterminé, une mission définie… Nous-mêmes, vos parents et vos amis, nous avons dans notre vie quelque chose de plus qu’hier… Je n’ai pas voulu perdre un moment pour venir vous proposer mon assistance, dans tout ce qui pourra servir au bien-être de Clifford… Il nous appartient à tous… Je sais ce qu’exige, — ce qu’exigeait autrefois, — la délicatesse de son goût et son culte pour ce qui est beau. Je mets à sa disposition ce que j’ai chez moi : tableaux, livres, vins de choix, friandises, tout cela est à lui !… J’aurais le plus grand plaisir à le voir… Puis-je me permettre d’entrer ?