Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Non, non, miss Phœbé ! disait le juge Pyncheon d’une voix aussi profonde que les roulements précurseurs du tonnerre, et avec un froncement de sourcils aussi sombre que le nuage d’où ce bruit émane. Demeurez ici, je vous prie !… Je connais la maison, je connais ma cousine Hepzibah, je connais également son frère Clifford, et je n’ai nul besoin que ma champêtre petite cousine se dérange pour m’annoncer ! »

Dans ces dernières paroles, soit dit en passant, se manifestait un changement nouveau qui substituait à sa brusquerie soudaine un retour de sa bienveillance primitive. « Je suis ici chez moi, continua l’imposant visiteur, veuillez vous le rappeler, Phœbé ; c’est vous qui êtes l’étrangère… J’entrerai donc, pour savoir comment va Clifford et lui faire agréer, ainsi qu’à Hepzibah, l’assurance de mes meilleurs sentiments… Il est à propos que, dans cette circonstance particulière, ils soient directement instruits par moi du désir que j’ai de leur être utile… Voici Hepzibah elle-même ! »

Il disait vrai. Les vibrations de la voix du Juge étaient allées chercher la vieille demoiselle au fond du salon où, détournant la tête, elle continuait à surveiller le sommeil de son frère. Maintenant elle s’élançait pour en défendre l’entrée, — semblable, il faut bien le dire, à ces dragons qui, dans les contes de fées, montent la garde à la porte des palais où dort une belle princesse, victime de quelque sortilége. Le froncement habituel de ses sourcils était trop accentué, en ce moment, pour être tout simplement attribué à sa myopie, et le juge Pyncheon à qui s’adressait ce regard furieux en parut quelque peu gêné, sinon alarmé, tant le prenait à court cette force morale d’une antipathie bien enracinée.