Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/168

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fourni quelques volumes de romans et de poésies un peu plus modernes que ceux de la bibliothèque de famille. Mais si les lectures de la jeune fille étaient mieux acceptées que celles de la cousine Hepzibah, ce n’était pas qu’elles fussent beaucoup plus intéressantes pour celui à qui elles étaient adressées. Les fictions qui captivaient le mieux l’esprit naïf de Phœbé, n’avaient aucune prise sur celui de Clifford ; soit qu’il manquât de l’expérience nécessaire pour apprécier la vérité de certains tableaux de mœurs, soit que ses propres malheurs, servant de pierre de touche aux drames imaginaires par lesquels on prétendait l’émouvoir, lui fissent discerner au premier coup d’œil l’inanité de leurs vaines complications. Un éclat de rire poussé par Phœbé provoquait chez lui, tantôt un sourire sympathique, tantôt, et plus fréquemment, un coup d’œil troublé, préambule de questions inquiètes. Que si elle venait à s’attendrir, si quelque catastrophe chimérique faisait tomber, sur la page à moitié lue, une de ces larmes de jeune fille, faites tout exprès pour refléter les rayons du soleil, Clifford la croyait malheureuse pour tout de bon, et s’apitoyait sur elle ; à moins que, pris d’une impatience soudaine, il ne lui enjoignît par un geste irrité de fermer tout à coup le volume. — Et, ma foi, il avait bien raison ! — Le monde n’a-t-il donc pas assez de tristesses réelles, pour qu’on lui fasse un passe-temps de toutes ces douleurs illusoires ?

La poésie lui allait mieux, le mouvement du rhythme, l’harmonie des désinences identiques, caressaient agréablement son oreille. Certains vers exquis, — sans qu’on pût jamais deviner d’avance auxquels appartiendrait ce charme vainqueur, — pénétraient cette in-