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Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/169

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telligence à demi obtuse ; et Phœbé, quittant des yeux la page pour les porter sur le visage de Clifford, y surprenait quelque rayon égaré, quelque rapide éclair de subtile et joyeuse compréhension. Mais l’obscurité se faisait ensuite, et pour bien des heures, et plus profonde que jamais, parce que, l’éclair éteint, Clifford semblait avoir conscience de cette faculté qu’il venait de perdre, de ce sens qui lui manquait, et les cherchait de tous côtés à tâtons, comme si un aveugle courait après la vue dont une main cruelle vient de le priver.

Il aimait mieux, — et cela effectivement lui était meilleur, — ces simples causeries ou Phœbé, l’entretenant des moindres incidents, leur communiquait le charme et la vivacité de sa parole. De tous ces menus propos, ceux qui avaient trait au jardin convenaient tout particulièrement à Clifford. Il s’informait régulièrement des fleurs qui s’étaient épanouies depuis la veille. En général, il les aimait beaucoup, et c’était chez lui bien moins un goût raisonné qu’une émotion sentie et savourée. Il en prenait volontiers une dans sa main, où l’étudiant avec une attention soutenue, tantôt il regardait ses pétales, et tantôt le visage de Phœbé, comme s’il comparait entre elles deux sœurs de la même famille. Outre leurs parfums et la beauté de leurs formes, elles éveillaient en lui la perception de quelque objet vivant, d’un caractère particulier, d’une individualité tranchée, et il leur accordait la même affection que si elles eussent été douées de sentiment et d’intelligence. C’était là, remarquons-le, un instinct tout féminin. Les hommes, quand ils l’ont reçu de la nature, désapprennent bientôt, au contact d’objets plus grossiers, la sympathie qu’ils ont pu avoir pour les fleurs. Clifford, lui