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Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/17

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perplexités fort singulières. Il y eut sur le cadavre une enquête de jurés, présidée par le coroner, et les citoyens bien avisés rendirent un verdict à l’abri de toute attaque. — Le colonel, disaient-ils, avait été enlevé par une mort soudaine.

Il est difficile de penser qu’on ait sérieusement suspecté un meurtre et qu’on ait voulu y impliquer tel ou tel personnage, spécialement désigné comme ayant pu le commettre. Le rang, la richesse, l’éminence du défunt auraient en pareil cas motivé les recherches les plus sévères. Et comme on n’en saurait trouver trace, il est fort à croire que ces recherches n’ont pas eu lieu. La tradition est et demeure responsable de tous ces bruits contradictoires. Dans l’Oraison funèbre du colonel Pyncheon, qui fut alors imprimée et subsiste encore, le prédicateur énumère, — parmi les nombreuses bonnes chances que son noble paroissien avait rencontrées dans la vie, — l’heureuse opportunité de sa mort. « Il avait rempli tous ses devoirs, atteint le plus haut degré de prospérité, assis sur des bases stables l’avenir de sa race et assuré à ses descendants un abri séculaire ; — comment ce brave homme pouvait-il monter plus haut si ce n’est au moyen de ce pas décisif, qui du sommet de la prospérité terrestre le menait aux portes dorées du Paradis ?… » Le pieux ecclésiastique n’aurait certainement pas articulé des paroles semblables, s’il eût soupçonné le moins du monde que le colonel eût passé dans un monde meilleur grâce à l’intervention d’une main meurtrière.

Quand mourut le colonel Pyncheon, sa famille semblait promise à la prospérité la plus durable que puisse laisser espérer l’instabilité inhérente aux destinées