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Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/172

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satisfactions si puériles. Lui-même se reprochait parfois ce genre de plaisirs, auxquels il se laissait aller sans y croire. Après une vie où il avait tâché d’apprendre le malheur, comme on apprend une langue étrangère, et maintenant qu’il savait sa leçon par cœur, il lui semblait incroyable que si peu de chose suffit pour le rendre si heureux. Ses doutes à cet égard se trahissaient par mille symptômes. « Prenez ma main, Phœbé, disait-il quelquefois, et, de vos doigts mignons, pincez-moi le plus fort que vous pourrez !… Donnez-moi une rose !… J’étreindrai ses épines, et une souffrance aiguë m’attestera peut-être que je ne dors pas ! » Il voulait évidemment s’assurer, au prix d’une légère douleur, — ce qu’il y avait de plus réel à ses yeux, — que le jardin fleuri et les Sept Pignons menaçants, la grimace désobligeante d’Hepzibah et le charmant sourire de Phœbé, pouvaient aussi compter au nombre des vérités palpables.

Pour entrer dans des détails si minutieux, il a fallu se convaincre qu’ils étaient essentiels à l’intelligence de la vie presque végétative que menaient ces trois êtres au fond de leur jardin ; — espèce d’Éden où s’était réfugié un autre Adam, frappé de la foudre, au sortir de ce monde périlleux, de cet aride désert où l’Adam primitif fut exilé après son expulsion du Paradis.

Phœbé tirait aussi bon parti — pour l’amusement de Clifford, — de ces poules aristocratiques dont la race s’était perpétuée, nous l’avons dit, comme un des priviléges héréditaires de la famille Pyncheon. Sur la demande expresse du nouvel arrivé, ces volailles avaient obtenu le libre accès du jardin, où elles erraient à volonté, non peut-être sans faire çà et là