Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/190

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par la main pour le mener au pied des autels, où tous les deux ils s’agenouilleraient ensemble, afin de se réconcilier, du même coup, avec Dieu et avec leurs semblables.

« Eh bien, cher frère, lui dit-elle avec empressement, pourquoi n’irions-nous pas ?… Nous n’avons notre place marquée nulle part ; mais dussions-nous rester dans la foule, pourquoi n’irions-nous pas prier, nous aussi ?… Si pauvres et si abandonnés que nous soyons, d’ailleurs, quelque banc s’ouvrira sans doute pour nous ! »

Ils s’apprêtèrent donc, et de leur mieux, cherchant les éléments de leur toilette parmi ces vêtements d’autrefois, pendus au croc pendant bien des années, et qui moisissaient maintenant au fond de leurs antiques bahuts. Une fois prêts, ils descendirent ensemble, Hepzibah plus jaune et plus maigre que jamais, Clifford pâle et voûté comme à l’ordinaire. Ils passèrent la grande porte et se présentèrent au seuil ; mais alors ils s’arrêtèrent tous deux, comme s’ils se fussent trouvés en présence de l’univers entier, sous l’ample et terrible regard de l’Humanité. Celui de leur Père céleste n’était plus là pour les encourager ; la tiède atmosphère de la rue leur donnait le frisson. À la seule idée de faire un pas de plus, le courage leur manquait à tous deux.

« Impossible, Hepzibah !… Il est trop tard, dit Clifford avec une profonde mélancolie… Nous sommes deux spectres… Notre place n’est pas avec les vivants… Notre place n’est nulle part ailleurs que dans cette vieille maison, objet d’un anathème solennel, et que nous sommes condamnés à hanter jusqu’au bout…