Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/289

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prendre, — indiquaient chez lui le projet de la décider à quitter aussitôt la maison. Il y a de ces heures d’étourdissement, de véritable chaos moral, dans la vie des gens à qui manque la vraie force de caractère, — moments d’épreuves où le courage trouverait son meilleur emploi, — tandis que ces individus, laissés à eux-mêmes, errent sans but, au hasard, ou se soumettent aveuglément à une impulsion quelconque, leur fallût-il accepter pour guide un enfant de cinq ans. Si peu logique, si insensée qu’elle puisse être, une direction leur semble toujours venir d’en-haut. C’est précisément là qu’en était Hepzibah. N’ayant ni l’habitude de l’action, ni celle de la responsabilité, — terrifiée par ce qu’elle venait de voir, et n’osant ni demander, ni presque se figurer comment les choses avaient dû s’accomplir, — redoutant la Fatalité qui semblait s’acharner après son frère, — stupéfiée par l’épaisse et lourde atmosphère de crainte qui planait de tous côtés comme une odeur de cimetière, et oblitérait la netteté de ses pensées, — elle se conforma immédiatement, et sans la moindre question, à la volonté qui venait d’être exprimée par Clifford. Elle était, quant à elle, dans l’état d’une personne qui rêve, et dont la volonté se trouve paralysée par le sommeil. Clifford, ordinairement si dénué d’initiative, puisait un vouloir inaccoutumé dans cette situation si tendue et si critique.

« Pourquoi tant de retards ? s’écria-t-il avec une impérieuse vivacité. Mettez votre manteau, votre pelisse, mettez tout ce qu’il vous plaira !… Le costume importe peu, ma pauvre Hepzibah… Il vous est également défendu d’être élégante, ou d’être belle… Prenez votre bourse, mettez-y de l’argent, et partons ! »