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Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/46

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Pauvre Hepzibah ! il est dur que le désir de représenter la nature telle qu’elle est, — l’ambition d’un dessin correct et d’une couleur sincère, — force un écrivain à laisser voir les côtés inférieurs et grotesques d’une situation éminemment pathétique. Combien on pourrait rendre imposante, en faussant légèrement les conditions de l’art, la scène que nous indiquons ! Et qu’il sera difficile, au contraire, de replacer à sa véritable hauteur le récit d’une expiation solennelle des crimes d’autrefois, lorsque nous nous voyons forcés dès le début de présenter un de nos principaux personnages, — non pas comme une jeune et belle femme, non pas même comme une beauté majestueuse dont les restes flétris survivent au choc des orages, — mais sous les traits d’une maigre damoiselle au front jaune, aux articulations rouillées, portant robe de soie à longue taille et, Dieu me pardonne, coiffée d’un turban !… Elle n’a pas même le bénéfice d’une laideur accentuée. La contraction de ses sourcils au-dessus de ses yeux myopes, est le seul trait qui donne un caractère quelconque à son insignifiante physionomie. Enfin, pour comble de malheur, la grande, la suprême épreuve de sa vie, paraît consister en ceci, qu’après soixante années d’une oisiveté complète, elle juge à propos de ménager un peu de pain à ses vieux jours, en montant un petit commerce de détail. N’importe : si nous examinons à fond les destinées héroïques de l’homme, nous y trouverons toujours le même amalgame de bassesse ou de trivialité avec ce que nos joies ou nos chagrins ont de plus noble. La vie est faite de marbre et de boue. Si nous n’avions foi dans cette vaste Sympathie qui plane au-dessus de