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Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/49

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client venait à franchir le seuil. Son odieuse et narquoise sonorité trouva un vibrant écho dans chacun des nerfs d’Hepzibah. — La crise allait se produire. Sa première pratique arrivait !

Sans se donner le temps d’y penser à deux fois, elle se précipita dans le magasin toute pâle, ne sachant ce qu’elle faisait, son geste et sa physionomie exprimant un vrai désespoir, les sourcils plus rapprochés qu’à l’ordinaire, bref ayant plutôt l’air de courir au-devant d’un voleur que d’aller se placer derrière un comptoir pour y débiter gaiement quelques menus articles en échange de quelque menue monnaie. Il y avait là de quoi faire enfuir n’importe quel acheteur vulgaire. Et pourtant, au fond de ce pauvre vieux cœur, nul sentiment hostile ou farouche, pas une seule pensée d’amertume ou contre le monde en général, ou contre, aucun des individus qui le composent. À tous elle souhaitait bonne chance ; mais elle souhaitait en même temps, d’en avoir fini avec tous et de reposer en paix dans la fosse.

Cependant le nouveau venu restait debout en dedans de la porte. Tout fraîchement issu de la lumière matinale, il semblait en apporter l’influence joyeuse au sein de cette sombre boutique. C’était un jeune homme de taille élancée, âgé tout au plus de vingt et un à vingt-deux ans, et dont la physionomie, plus pensive, plus réfléchie qu’elle ne l’est ordinairement de si bonne heure, s’alliait à une vigueur, à une élasticité nerveuse tout à fait remarquables ; on l’eût dit monté sur des ressorts d’acier. Une barbe foncée, qui n’avait rien de trop soyeux, garnissait son menton sans le dissimuler complètement ; il portait aussi des moustaches courtes