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Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/75

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vieille demoiselle toujours animée de sentiments bienveillants pour ce brave homme naïf et causeur. Elle n’eût pas témoigné autant d’indulgence à une femme du même âge, ni pris en si bonne part la liberté dont il usait en lui parlant ainsi… « N’est-ce pas, qu’il était bien temps de me mettre à l’œuvre ?… C’est-à-dire, soyons plus francs, je commence à l’âge où il m’eût fallu clore ma carrière. »

— Ne parlez pas ainsi, miss Hepzibah, répondit le vieillard, vous êtes encore une jeune femme. Au temps où je vous voyais jouer encore sur la porte de la vieille maison, je ne me croyais guère plus jeune que je ne le suis maintenant… Jouer, ai-je dit ? mais le plus souvent vous restiez assise sur le seuil, regardant la rue d’un air sérieux, car vous avez toujours été sérieuse, et, pas plus haute que mon genou, on aurait pu vous prendre pour une fille toute venue… Il me semble vous voir encore arriver avec votre grand-père en manteau rouge, perruque poudrée, chapeau à trois cornes, la canne à la main, sortant de l’hôtel et arpentant solennellement la rue… Ils avaient grand air, ces vieux gentlemen d’avant la Révolution… Dans ma jeunesse le principal personnage de la ville portait ordinairement le titre de « Roi ; » quant à sa femme, on ne l’appelait pas « Reine, » ceci est certain, mais on l’appelait « Milady… » Présentement un homme n’oserait pas se faire appeler « Roi, » et s’il se sent un peu au-dessus du commun, il s’abaisse pour rétablir le niveau… Il n’y a pas dix minutes que j’ai rencontré votre cousin le Juge, et, en dépit de mes culottes de toile, comme vous voyez, le Juge m’a tiré son chapeau… Je crois du moins que c’était