Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/94

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joug avec les meurtrissures que nous a laissées la veille. Hepzibah, d’ailleurs, avait compris qu’elle ne se ferait jamais à l’appel impérieusement railleur de cette méchante sonnette. Et maintenant surtout, environnée de ses cuillères armoiriées, de sa porcelaine séculaire, alors qu’elle se berçait de prestiges aristocratiques, il lui était excessivement pénible de se rendre au signal du premier acheteur venu.

« Ne vous dérangez pas, chère cousine ! s’écria Phœbé, qui déjà était debout… Aujourd’hui, je tiendrai le magasin.

— Vous, mon enfant ? répondit Hepzibah. Quelle expérience peut avoir de toutes ces choses une petite fille élevée aux champs ?

— Oh ! soyez tranquille ! dit Phœbé, c’est moi qui étais chargée de toutes les emplettes de la famille… J’ai aussi tenu boutique dans des ventes de charité, où je faisais de meilleures affaires que personne… Ces choses-là ne s’apprennent pas ; elles tiennent à une sorte d’instinct qui me vient, je suppose, de ma mère… Vous allez voir si la petite marchande ne vaut pas la petite femme de ménage ! »

Derrière Phœbé se glissa la prudente demoiselle, et, par la porte du couloir donnant sur le magasin, elle voulut voir comment « cette jeunesse » se tirerait d’une besogne si ardue. L’affaire effectivement n’était pas des plus simples : une femme très-âgée, en casaque blanche, en jupon vert, ayant autour du cou un collier à grains dorés et sur la tête une espèce de bonnet de nuit, avait apporté certaine quantité de laine filée à échanger contre d’autres marchandises. Probablement la dernière femme de la cité qui fût ainsi restée