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L’AMOUR DU BEAU

À peine le vieil horloger et sa fille eurent-ils dépassé la boutique d’Owen Warland que celui-ci fut pris d’un tremblement nerveux qui l’obligea de suspendre le travail délicat auquel il se livrait.

— C’était Annie, murmura-t-il, j’aurais dû le deviner aux battements précipités de mon cœur, avant même d’avoir entendu la voix de son père. Ah ! je me sens trembler d’une inexprimable émotion ; il m’est impossible de continuer un travail aussi délicat. Annie, chère Annie, ne devrais-tu pas rendre mon cœur plus courageux et ma main plus ferme au lieu de me troubler ainsi ? car ce n’est que pour toi que j’essaye de donner une forme matérielle à l’idéal de la beauté. Calme-toi, cœur défaillant ! car si j’interromps mon travail, des songes douloureux viendront assiéger mon sommeil, et demain je me trouverai sans force pour réagir, sans intelligence pour créer.

Au moment même où le jeune homme cherchait à se calmer pour reprendre son ouvrage, la porte de la boutique s’ouvrit pour laisser passage à la mâle figure qu’admirait, quelques instants auparavant, Pierre Hovenden, en contemplation devant la forge. Robert Danforth apportait au jeune horloger une petite enclume d’une forme particulière, dont, après un minutieux examen, celui-ci se déclara satisfait.

— Eh bien, s’écria le forgeron d’une voix retentissante, je me crois, en vérité, aussi capable que n’importe qui, pour tout ce qui a rapport à mon état ; mais j’aurais fait, je pense, une triste figure dans le vôtre avec un poing comme celui-là, ajouta-t-il en posant sa large main à côté de la main délicate d’Owen. Pourtant je déploie plus de force