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CONTES ÉTRANGES

au respect instinctif qu’inspire le repos du plus humble personnage, le vieux négociant se mit à marcher d’un pas aussi léger que le lui permettait sa goutte, et son excellente femme prit bien garde que le frôlement de sa robe de soie n’éveillât David en sursaut.

— Comme il dort ! murmura le vieillard, et comme la respiration sort aisément de cette large poitrine ! Je donnerais volontiers la moitié de mon revenu pour goûter, sans opium, un semblable sommeil, car il supposerait chez moi la santé de l’esprit et celle du corps.

— Et aussi celle de la jeunesse, reprit la dame ; car, lorsqu’on est vieux comme nous, le calme et la santé ne suffisent plus pour dormir ainsi. Notre sommeil, pas plus que notre veille, ne ressemble au sien.

À mesure que le vieux couple contemplait David, il s’intéressait davantage à ce jeune inconnu, à qui le bord d’un chemin et l’ombrage de quelques arbres formaient une si splendide chambre à coucher. Ayant observé qu’un rayon de soleil allait bientôt arriver jusqu’à son visage, la bonne dame essaya de l’intercepter en tordant ensemble deux rameaux d’érable. Puis, cet acte de bienveillance accompli, elle se sentit prise d’un intérêt tout maternel pour celui qui en avait été l’objet.

— Le hasard, dit-elle à son mari, semble l’avoir amené là et nous y avoir conduits tout exprès pour trouver en lui un dédommagement au désappointement que nous a causé notre jeune cousin. Il me semble, ajouta-t-elle en soupirant, qu’il ressemble à notre pauvre Henri.

— Voulez-vous que nous l’éveillions ?

— Mais pourquoi ? répondit avec quelque hésitation le