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LA PROMENADE DE LA PETITE ANNIE

médiocre attention et pense aux beaux jours de sa jeunesse, alors qu’il chassait le fauve dans les jungles du Bengale. Voici le loup. N’approchez point, Annie, c’est probablement celui-là qui eut l’indélicatesse de croquer le petit Chaperon rouge et sa mère-grand. Cette hyène d’Égypte a dû souvent rôder la nuit dans les chambres sépulcrales des pharaons. Elle paraît faire bon ménage avec cet ours noir que nos forêts ont vu naître. Placées dans de telles conditions, deux créatures humaines resteraient-elles longtemps unies ? J’en doute. Voyez donc cet ours blanc, il passe pour stupide ; moi je le crois tout simplement un esprit contemplatif. Il songe à ses voyages sur les glaces, à sa paisible retraite du pôle nord, à ses petits qu’il a laissés errants dans les neiges ; c’est un ours sentimental. Quant à ce singe, il ne l’est guère, en revanche, c’est un vilain grimacier, braillard et malfaisant. Je suis sûr qu’Annie n’aime pas les singes. Leur laideur doit choquer son goût instinctif pour ce qui est beau.

C’est surtout cette ressemblance qu’ils ont avec l’homme qui rend encore plus laids les animaux de cette espèce. Voyez le joli poney, il en faudrait un semblable à mon Annie ; il galope avec grâce autour de l’arêne, en suivant la mesure que lui indique l’orchestre. Ah ! voici un jeune écuyer qui s’avance vers lui, la cravache à la main, le tricorne sur la tête ; il salue la foule et d’un bond il est en selle.

Je ne me trompe pas : à sa taille exiguë, à son vilain museau, c’est un singe véritable ou le roi des gnômes. Allons, sortons, Annie, nous verrons peut-être dans la rue des singes cavaliers.