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LA CATASTROPHE DE M. HIGGINBOTHAM

Tout en débitant ces nouvelles au bon public, sans oublier pour cela le soin de ses affaires, Dominique se trouva tellement en retard qu’il résolut de s’arrêter dans une taverne distante d’environ cinq milles de Parker’sfall. Après le souper, il s’assit dans la salle commune, alluma un excellent cigare et entama son histoire en l’accompagnant de circonstances si intéressantes que le récit n’en dura pas moins d’une demi-heure.

L’auditoire se composait d’une vingtaine de personnes sur lesquelles il y en eut dix-neuf qui acceptèrent cette nouvelle comme parole d’évangile ; mais le vingtième assistant était un vieux fermier qui venait d’arriver à cheval et s’était assis dans un coin, où il fumait silencieusement sa pipe. Le récit terminé, il se leva d’un air délibéré, posa résolûment sa chaise en face du colporteur et le regarda dans le blanc des yeux, en lui lançant au nez des bouffées d’un exécrable tabac.

— Affirmeriez-vous par serment, dit-il du ton d’un juge de paix qui procède à son interrogatoire, voudriez-vous jurer que le vieux M. Higginbotham de Kimbalton a été assassiné dans son verger l’avant-dernière nuit, et qu’il a été trouvé pendu hier matin ?

— Ma foi, mon cher monsieur, répondit Dominique, je raconte le fait tel que je l’ai appris, mais je ne puis dire que j’aie assisté au meurtre. Il m’est donc impossible de faire le serment que vous me demandez.

— C’est que, reprit le fermier, je puis jurer, moi, que si M. Higginbotham a été assassiné l’avant-dernière nuit, j’ai bu ce matin un verre de bitter avec son ombre. Nous sommes voisins, et comme je passais devant son magasin, il