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CONTES ÉTRANGES

la famille du pauvre M. Higginbotham venait seulement de trouver son cadavre pendu au poirier. L’inconnu, qui voyageait à pied, avait dû chausser au moins des bottes de sept lieues pour avoir franchi si rapidement une telle distance.

— Les mauvaises nouvelles vont vite, pensa Dominique, mais celle-là enfonce les chemins de fer. On devrait engager ce gaillard-là pour porter les messages du président.

Néanmoins tout s’expliquait, par cette supposition que le voyageur s’était trompé d’un jour dans l’événement de sorte que notre ami n’hésita pas à transmettre la fameuse nouvelle dans toutes les tavernes et les boutiques qui se trouvèrent sur sa route. Dieu sait ce qu’il lui en coûta de cigares espagnols dans ces diverses narrations. Comme il était le premier à mettre cette histoire en circulation, on l’accablait de tant de questions qu’il ne put faire autrement que d’ajouter quelques traits au récit primitif pour composer un ensemble satisfaisant.

Une circonstance imprévue vint corroborer les faits qu’il rapportait.

M. Higginbotham était négociant, et un de ses anciens commis à qui Dominique racontait l’événement attesta que le vieux gentleman avait coutume de retourner chez lui en traversant son verger, vers la tombée de la nuit, avec de l’argent et des valeurs de commerce dans sa poche. Le commis parut du reste médiocrement chagrin du malheur arrivé à son ancien patron, donnant à entendre — ce que le colporteur savait de longue date — que le défunt était d’un caractère difficile, et plus serré qu’un étau. La fortune revenait, disait-on, à sa nièce, charmante personne, qui dirigeait un pensionnat à Kimbalton.