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LA CATASTROPHE DE M. HIGGINBOTHAM

le sauver des fureurs de la foule ou de la rigueur des lois, si la jeune dame ne s’était interposée en sa faveur. Ah ! l’éloquent plaidoyer que deux beaux yeux !

Après quelques paroles de gratitude rapidement adressées à sa bienfaitrice, Dominique sauta dans sa carriole verte et s’éloigna au grand trot, assailli au passage par une grêle de projectiles que lui lancèrent les gamins de cette ville inhospitalière. Pour comble de malheur, au moment où il se retournait pour jeter un regard d’adieu à miss Higginbotham, une boule de terre glaise délayée, de la grosseur et de la consistance d’un pudding ordinaire, couvrit sa figure du plus désobligeant des emplâtres, et le mit dans un tel état qu’il songeait presque à solliciter comme une faveur l’immersion dont il avait été menacé ; mais, se défiant avec quelque raison des habitants de Parker’sfall, il poursuivit sa route.

Toutefois le soleil, en séchant la boue dont il était couvert, la fit tomber par écailles, et Dominique, en secouant un peu ses habits, réussit à en faire disparaître tant bien que mal les taches. Puis, comme il avait un caractère naturellement gai, il ne put s’empêcher de rire, en se rappelant l’émoi causé par son récit. L’arrêté des édiles allait causer l’arrestation de tous les vagabonds du pays ; l’article de la gazette de Parker’sfall allait être reproduit depuis l’État du Maine jusqu’à la Floride, et peut-être même inséré dans les faits divers des journaux de Londres. Que de gens allaient trembler pour leur argent en apprenant la catastrophe de M. Higginbotham ! Ensuite le galant colporteur se mit à rêver aux charmes de la jeune maîtresse d’école, et jura mentalement que jamais le célèbre prédicateur Daniel