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LA GRANDE ESCARBOUCLE

repartit le docteur Cacophodel avec une indignation véritablement comique ; va, tu n’es pas digne de contempler, même de loin, l’éclat éblouissant de la pierre la plus précieuse qui soit jamais sortie du mystérieux laboratoire de la nature. L’amour de la minéralogie est le seul but pour lequel un homme sensé puisse désirer la possession de la grande escarboucle. Pour moi, cette trouvaille doit être le couronnement de ma carrière scientifique. Je retournerai ensuite en Europe, et j’emploierai le reste de mes jours à l’analyser pour obtenir le secret de sa formation. J’en réduirai une partie en poudre impalpable, une autre sera mise en dissolution dans plusieurs acides, et ce qui restera sera déposé dans des creusets ou sous des chalumeaux pour être traité par la chaleur et par l’électricité. C’est bien le moins qu’avec ces divers moyens j’arrive à une analyse exacte dont je consignerai les moindres détails dans un énorme in-folio.

— Bravo ! s’écria l’homme aux lunettes, voilà qui est bien parlé. Aussi ne devez-vous pas hésiter, savant docteur, à pulvériser, dissoudre et fondre cette pierre merveilleuse, pour que vos petits-neveux apprennent dans votre grand ouvrage comment on élabore une escarboucle.

— Cependant, dit maître Ichabod Pigsnort, j’objecterai pour ma part que la pierre ainsi traitée n’aurait plus aucun prix. Or je vous avouerai franchement, messieurs, que mon intention n’est pas de diminuer sa valeur marchande. J’ai quitté, pour venir ici, ma maison de commerce, dont j’ai laissé la conduite à mes commis, livrant ainsi mon crédit à tous les hasards. Bien plus, j’expose chaque jour ma vie au milieu des peuplades indiennes, et le salut de mon