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LA GRANDE ESCARBOUCLE

hommes que cette fameuse pierre n’est qu’une immense mystification.

Les motifs allégués par nos chercheurs d’aventures étaient pour la plupart bien vains et bien futiles, mais ne valaient-ils pas mieux, après tout, que l’amère raillerie de l’homme aux grandes lunettes ? C’était un de ces êtres malheureux qui, méprisant toutes les belles aspirations de l’humanité, changeraient, s’ils le pouvaient, les divines clartés des cieux en une obscurité profonde, comme celle dont leurs âmes sont enveloppées. Triste condition que celle de ces êtres qui, prétendant ramener l’homme au niveau de la brute, sont les éternels contempteurs de tout ce qui dépasse les bornes de leur froide imagination !

Cependant les dernières lueurs du feu qui commençait à s’éteindre faute d’aliment avertirent les voyageurs qu’il était temps de profiter du reste de la nuit et de chercher dans un sommeil réparateur de nouvelles forces pour leurs pérégrinations du lendemain. Chacun s’accommoda le mieux qu’il put sur sa couche improvisée, et ferma les yeux pour contempler, au moins en songe, les fulgurants rayons de la grande escarboucle.

Le jeune couple avait élu domicile dans le coin le plus retiré de la hutte, séparé du reste de la compagnie par un rideau de feuillage artistement entrelacé par la jeune femme. C’était une chambre nuptiale digne de nos premiers parents, et dans laquelle ils s’endormirent bientôt d’un profond et paisible sommeil, leurs mains unies en une tendre étreinte.

Le lendemain matin, tous deux s’éveillèrent en même temps, se souriant l’un à l’autre, et, se souvenant du lieu où