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CONTES ÉTRANGES

il y a en lui quelque chose de plus extraordinaire encore, c’est le don de s’assimiler à un tel point le caractère des physionomies, que ses modèles croient se trouver devant un miroir lorsqu’ils contemplent leur portrait. Mais ce n’est pas encore là le plus merveilleux.

— Ah ! s’il y a des qualités plus étonnantes que celles que vous m’avez énumérées, dit Élinor en riant, Boston risque d’être un séjour périlleux pour le pauvre gentleman. C’est un sorcier et non pas un peintre.

— Ce que vous dites, reprit le jeune homme, est plus sérieux que vous ne pensez, car il rend, à ce que l’on prétend, non seulement les traits du visage, mais jusqu’aux passions et aux sentiments les plus secrets du cœur. Aussi, ajouta Walter en baissant instinctivement la voix, serais-je presque effrayé de poser devant lui.

— Parlez-vous sérieusement ? demanda vivement la jeune fille.

— De grâce, chère Élinor, fit son amant en souriant pour cacher son malaise, ne lui laissez pas peindre ce regard… Ah ! C’est passé maintenant ; mais il n’y a qu’un instant vous paraissiez mourir de peur. Que pensiez-vous donc ?

— Rien, rien, répondit Élinor, vous vous l’êtes figuré. Venez me voir demain, et nous irons rendre visite à votre merveilleux artiste.

Lorsque le jeune homme se fut retiré, on pouvait apercevoir encore sur la belle et candide figure de sa maîtresse l’étrange expression qui l’avait frappé. C’était un regard chargé de tristesse et d’anxiété, et peu en rapport avec les sentiments qui doivent animer le visage d’une jeune fille sur le point de s’unir à l’élu de son cœur.