Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
LES PORTRAITS PROPHÉTIQUES

à peine ébauché, et dans lequel ils reconnurent avec un peu d’attention leur propre ministre, le révérend Colman, à moitié tiré du néant, et dont les traits indécis sortaient d’un nuage de bistre.

— Excellent vieillard ! fit Élinor, il me regarde comme s’il allait murmurer à mon oreille un avis paternel.

— Et moi, reprit Walter, comme s’il allait m’adresser une douce réprimande, en secouant la tête ainsi qu’il a coutume de le faire. Je ne me sentirai à mon aise devant son regard austère que le jour où nous nous présenterons à lui pour qu’il nous unisse.

Le bruit d’un pas léger les fit retourner ; c’était le peintre qui était entré depuis quelques minutes dans la chambre et avait écouté silencieusement quelques-unes de leurs remarques.

Ils voient s’avancer un homme entre deux âges et dont la physionomie était digne d’occuper son propre pinceau. Avec son costume pittoresque, et peut-être à cause de l’habitude qu’il avait de vivre avec des tableaux, il semblait un portrait vivant, et ses visiteurs lui trouvèrent une vague parenté avec ses œuvres ; on eût vraiment dit qu’il était descendu de son cadre exprès pour les saluer.

Walter Ludlow, qui le connaissait déjà, lui exposa l’objet de leur visite. Pendant qu’il parlait, sa figure et celle d’Élinor se trouvaient si heureusement disposées dans une zone de lumière qu’ils semblaient être la vivante personnification de la jeunesse et de la beauté.

Le peintre fut vivement frappé de ce groupe charmant.

— Mon chevalet, dit-il, est occupé pour plusieurs jours, et mon séjour à Boston ne sera plus de longue durée ; ce-