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CONTES ÉTRANGES

puritaine, tel qu’il convient à un chef populaire. La noble épouse de sir William Philippe, en fraise, en toque, avec ses manches bouffantes et son air impérieux, faisait face à John Winslow, dont l’œil intelligent et fier laissait pressentir qu’il ferait un jour un général distingué. Enfin il suffit d’un coup d’œil aux deux jeunes gens pour reconnaître quelques-uns de leurs amis. Dans tous ces portraits, l’esprit, le caractère de l’individu étaient en quelque sorte concentrés en un seul regard, de telle façon que si je ne craignais d’être accusé d’exagération, je dirais que les copies ne ressemblaient pas moins aux originaux que les originaux ne se ressemblaient à eux-mêmes. Au milieu de ces portraits tous contemporains, on apercevait deux admirables figures de saints se détachant avec vigueur sur un fond très-sombre, puis une pâle tête de madone au regard doux et triste qu’on ne pouvait contempler sans être tenté de l’adorer, comme elle l’avait sans doute été plusieurs siècles auparavant dans la fervente Italie.

— Qu’il est singulier de penser, observa Walter, que cette suave figure était déjà belle il y a deux cents ans. N’envieriez-vous pas, Élinor, ce privilège d’éternelle beauté ?

— Oui, si la terre était le ciel, répondit la jeune fille ; mais qu’il serait malheureux celui qui, doué d’une éternelle jeunesse, verrait tout passer autour de lui !

— Ce vieux saint Pierre, si sombre et si fier, fronce le sourcil d’une façon assez désagréable, et, tout saint qu’il est, sa vue me trouble, mais la Vierge nous regarde avec tant de bonté…

— Et il me semble, avec tristesse, ajouta Élinor.

Au-dessous de ces trois tableaux on en voyait un autre,