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CONTES ÉTRANGES

trésors. Je donnerai volontiers ma vie pour m’approcher, mais je crains bien, même en m’entourant de précautions, d’être obligé de vous en confier exclusivement le soin.

— Bien volontiers, répondit la jeune personne en entourant l’arbuste de ses deux bras comme pour l’embrasser. Oui, ma sœur, ma beauté, ce sera Béatrix qui sera ta gardienne assidue, pour le seul bonheur d’aspirer ton vivifiant parfum.

Puis, joignant l’acte aux paroles, elle s’occupa de la plante avec toute l’attention qu’elle paraissait réclamer ; Giovanni, vu la distance où il était de cette scène, se frotta machinalement les yeux, car il ne pouvait plus distinguer si c’était une jeune fille occupée de sa fleur favorite, ou bien une sœur rendant à sa sœur les soins les plus tendres. Mais cette illusion dura peu : soit qu’il eût fini ses travaux de jardinage, soit qu’en levant les yeux il eût vu le jeune étranger, le docteur Rappaccini prit le bras de sa fille et se retira lentement. Bientôt la nuit survint et sous l’influence des suaves émanations qui pénétraient dans sa chambre par la fenêtre encore ouverte, Giovanni s’endormit et rêva d’une fleur et d’une jeune fille, dont la suavité malfaisante finissait par former une créature hybride tenant à la fois de la vierge et de la plante.

La lumière du matin, franche et joyeuse, rectifie d’ordinaire les erreurs que forme notre imagination durant l’incertitude du crépuscule ou dans l’obscurité de la nuit, fût-elle atténuée par la pâle clarté de la lune. La première idée du jeune homme à son réveil fut d’aller jeter un coup d’œil sur ce jardin, théâtre des mystérieux événements de son rêve. Il fut surpris et même un peu confus de n’y rien