Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
LA FILLE AUX POISONS

trouver que de réel et d’ordinaire, grâce à l’engageante clarté du soleil levant, qui donnait à chaque fleur une nouvelle beauté, à toutes leur véritable aspect.

— Par ma foi, se dit-il, je suis heureux de pouvoir, au cœur même de cette vieille cité, regarder à loisir cette luxuriante végétation. Ces fleurs auront pour moi l’inappréciable avantage de me tenir dans une intime et constante contemplation de la nature.

Ni le docteur, ni sa fille, ne se montrèrent ce jour-là, et Giovanni en vint à se demander quelle singularité il avait pu trouver dans ces deux personnes pour qu’elles eussent ainsi troublé son esprit, et avec le plus grand calme, il promena sur le jardin des regards investigateurs.

Dans la journée, il alla rendre ses devoirs au signor Baglioni, professeur de médecine à l’Université de Padoue, physiologiste éminent, et pour lequel on l’avait muni d’une lettre de recommandation. Le professeur était encore dans la force de l’âge, d’un naturel gai et d’un caractère presque jovial ; il pria le jeune homme à dîner et se montra, tout savant qu’il fût, convive aimable et spirituel, surtout lorsque sa verve eût reçu l’agréable excitant d’une ou deux fioles de vin de Toscane.

Dans le cours du repas, Giovanni, supposant que deux savants de la même ville ne pouvaient être étrangers l’un à l’autre, se hasarda de prononcer le nom de Rappaccini.

— Il faudrait être un maître dans notre divine science, répondit modestement notre professeur, pour apprécier convenablement un savant aussi illustre que Rappaccini ; et je me ferais scrupule, signor Giovanni, de donner au fils de mon vieil ami des idées erronées sur un homme qui